Démographe
Le Monde vient de me refuser un droit de réponse à la suite d'une publication dans laquelle mon nom figurait. Il l'a fait par mail, en réponse à un mail dans lequel je demandais au directeur de publication s"il avait l'intention de publier mon texte.
L'allégation selon laquelle Le Monde ne disposait pas de mes coordonnées pour me répondre est cocasse dans la mesure où le droit de réponse a été envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception, accusé de réception sur lequel figure, bien évidemment, mon adresse. Mais peut-être que Le Monde ne dispose plus des fournitures nécessaires à l'envoi d'un courrier ordinaire. J'ajoute que je trouve pour le moins bizarre la pratique journalistique qui consiste à aller pêcher chez les confrères des extraits d'entretiens pour les introduire dans un article comme une citation que l'on aurait recueillie soi-même.
Suivent le courrier envoyé au Monde et la réponse par mail du service juridique.
LETTRE SOLLICITANT LE DROIT DE RÉPONSE
Paris le 25 mai 2018
Monsieur le directeur de publication,
En vertu de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, je vous demande de publier le droit de réponse suivant à l’article de Cécile Bouanchaud intitulé « Banlieues : deux députés relancent le débat sur les statistiques ethniques » publié le 22 mai 2018, dans lequel elle m’attribue des propos qui ont été en fait recueillis par Atlantico le 17 février 2017 :
Dans l’article de Cécile Bouanchaud publié le 22 mai 2018 « Banlieues : deux députés relancent le débat sur les statistiques ethniques » je suis présentée comme chercheuse de l’Ined - ce que je ne suis plus depuis septembre 2015 - sans spécialité particulière. Lorsque j’ai quitté l’Ined, j’étais directrice de recherche, avais travaillé pendant près de 40 ans sur les questions migratoires et démographe, ce que je continue d’être. Une chercheuse sans qualité professionnelle particulière d’après Cécile Bouanchaud, sauf celle d’être « régulièrement citée dans la sphère proche du Front national ». Ce qui dit tout ce que le lecteur du Monde doit savoir sur moi. Cécile Bouanchaud n’a certes pas le temps de lire les articles et ouvrages que j’ai écrits et que je continue d’écrire sur mon site (micheltribalat.fr), ce qui ne l’empêche pourtant pas de diffuser, de manière subliminale, un conseil à ses lecteurs : je vous en parle mais point n’est besoin de la lire car, alors, vous vous accoquineriez avec des infréquentables et viendriez ainsi grossir la sphère des « proches du FN ». Quel lecteur du Monde aurait envie de faire une chose pareille ?
Cela fait déjà quelque temps que cela dure, mais, désormais, le lectorat supposé d’un auteur, ou à tout le moins celui qui fait le plus de bruit sur internet, dit tout de ce qu’il est et suffit à prescrire ou à dissuader de le lire. Ce qui compte ce n’est pas ce qu’il écrit mais qui le lit - enfin lire est peut-être un bien grand mot, mais qui en parle. Le Monde, il est vrai, applique soigneusement cette règle à mon égard, puisqu’il ne rend plus compte depuis bien longtemps, ne serait-ce que pour en dire du mal, de mes publications.
Pourquoi avoir fait exception dans cet article du 22 mai 2018 ? Parce qu’il était difficile de m’oblitérer complètement compte tenu du sujet traité. Comme le rappelle Cécile Bouanchaud, j’ai été la première à soulever la question des statistiques ethniques, que l’on n’appelait pas ainsi alors, dès la fin des années 1980 – et non au début des années 1990 – non pour nourrir le débat public comme Cécile Bouanchaud le laisse entendre, mais dans le cadre d’une réflexion méthodologique qui m’a conduit d’ailleurs à concevoir une enquête appropriée (Mobilité géographique et insertion sociale), menée en 1992 avec le concours de l’Insee.
Les propos qui me sont attribués n’ont pas été tenus lors d’un entretien avec la journaliste du Monde avec laquelle je n’ai eu aucun contact (on la comprend, compte tenu des risques réputationnels encourus), mais repris, de manière bien partielle, d’un entretien publié dans Atlantico du 10 février 2017 : « l’Insee refuse toujours de sauter le pas, compte tenu de l’ambiance du débat public sur les statistiques ethniques ». Le lecteur du Monde pourrait en déduire que je regrette l’absence de statistiques ethniques en France alors que j’ai écrit un livre sur le sujet (Statistiques ethniques, une querelle bien française, L’artilleur, 2016) dans lequel j’explique l’introduction par l’Insee de statistiques ethniques d’un certain type (par la filiation : immigrés, enfants d’immigrés) dans ses grandes enquêtes dans le courant des années 2000. Le pas dont il est question dans la citation partielle reprise par Cécile Bouanchaud concerne les enquêtes annuelles de recensement, dans lesquelles l’Insee n’ose pas introduire les questions sur le pays de naissance et la nationalité de naissance des parents, comme la CNIL l’y autorise depuis 2007. Le recueil de ces informations faciliterait grandement le tirage d’échantillons pour mener des enquêtes ad hoc et aurait l’avantage de permettre de descendre à un niveau local fin, ce qu’aucune autre enquête de l’Insee ne permet.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le directeur de publication, mes meilleures salutations.
Michèle Tribalat
Micheletribalat.fr
RÉPONSE DU SERVICE JURIDIQUE DU MONDE (6 JUIN 2018)
Madame,
Nous faisons suite à votre courrier du 25 mai 2018 et à votre relance du 5 juin 2018, qui ont retenu toute notre attention, relatifs à la demande d’insertion d’un droit de réponse, suite à la publication de l’article « Banlieues : deux députés relancent le débat sur les statistiques ethniques » sur lemonde.fr.
Nous n'avons pas été en mesure de vous informer des suites de votre demande faute de coordonnées mentionnées dans votre courrier.
Toutefois, cette demande ne répond pas aux prescriptions des dispositions légales et réglementaires en vigueur applicables, concernant le droit de réponse.
Dès lors, ce droit de réponse ne pourra pas être publié.
Nous prions d'agréer, Madame, l'expression de nos salutations distinguées.
Direction juridique
Groupe Le Monde
JMG
06.06.2018 09:27
Il y a longtemps que Le Monde n'est plus un média crédible et ne fait plus honneur à son fondateur.
Derniers commentaires
28.11 | 10:40
À mon avis à la Doc de l'Ined sur le campus Condorcet ou à la BNF
27.11 | 23:14
Cette période de baisse étant due à la crise de 1929 (avec des effets sur l'emploi à partir de 1932) et à la 2e guerre mondiale.
27.11 | 23:13
Selon l'INSEE, la part des immigrés et des enfants d'immigrés augmente en France depuis 1911 (2,7%) jusqu'en 2021 (10,6%).
La seule période de baisse a été de 1931 à 1946.
27.11 | 22:57
Bonsoir
Où peut-on lire l'étude sur Crulai?