La Suède  est aussi un exemple en matière statistique !

Michèle Tribalat

4 mai 2020

La Suède a, paraît-il, été un modèle dans la gestion de l’épidémie du coronavirus. Mais son exemplarité ne se limite pas au traitement d’une crise sanitaire. Son appareil statistique et sa mise à disposition des données statistiques le sont également.

Je ne reviendrai pas sur la qualité de l’appareil statistique qui, pour la partie démographique, repose sur un registre de population dont la France ne dispose pas. Ce qui m’intéresse ici c’est l’accessibilité des données produites, laquelle indique une attention plus ou moins prononcée à l’égard du public. Pour l’institut de statistique suédois, cette accessibilité est un indicateur de la qualité de son travail. L’accessibilité des données sur son site (https://www.scb.se/) en témoigne. On ne peut pas en dire autant de l’Insee en France.

Si l’on entre Statistics Sweden dans un moteur de recherche, on peut se rendre sur le site en anglais qui donne accès à une base de données hiérarchisée par thème en arborescence. Voilà ce que cela donne :

Par exemple, si l’on cherche, comme cela a été mon cas à plusieurs reprises, des données sur les populations d’origine étrangère en Suède, il faut s’arrêter d’abord sur le thème Population. Une fois ouvert, il se présente ainsi :

Il faut ensuite aller voir ce qui se trouve dans Population statistics…

… et ouvrir l’item sur les populations d’origine étrangère dans lequel deux séries sont proposées : l’une détaillée sur l’origine (né à l’étranger, né en Suède d’un seul parent né à l’étranger, né en Suède de deux parents nés à l’étranger et né en Suède de deux parents nés en Suède), l’autre résumée (d’origine étrangère ou suédoise). Cela se présente ainsi :

Il ne reste plus qu’à cliquer sur le tableau de son choix, le premier en ce qui me concerne, et le choix des variables se présente ainsi :

On peut sélectionner la Suède, ses régions [suédoises ou celles d’Eurostat (nuts)], ses comtés, ses communes (il y en 290), ses aires métropolitaines ou ses marchés du travail locaux. On peut aussi retenir un âge ou un groupe d’âge (quinquennal ou décennal), le sexe et une période (entre 2002 et 2019).

Si l’on cherche plus de détails qu’on ne trouve pas, il est toujours possible de le demander à Statistics Sweden, grâce à cette information qui figure en bas de tout tableau téléchargé à partir de la base de données :

Je l’ai fait récemment en envoyant un mail à information@scb.se (vendredi 1er mai), sans m’attendre à une réponse très rapide en raison du week-end qui suivait. Mais dès lundi 4 mai, j’avais une réponse dans ma boîte mail à 8h54 ! L’information que je cherchais n’était disponible que sur la version en suédois du site mais, pour m’éviter la recherche, mon correspondant m’envoyait l’adresse précise afin de télécharger directement le tableau Excel. Les réponses sont toujours extrêmement courtoises et se terminent toujours par une invitation à poser tout autre question : “Please feel free to contact us if you have any further question”.

On ne peut pas en dire autant de l’Insee. Le site de l’Insee se présente comme un google statistique peu précis. Regardons ce que cela donne si je cherche la même information sur la population d’origine étrangère. À l’Insee, j’ai deux façons d’y arriver.

1) J’entre précisément, dans la zone de recherche, l’information : population d’origine étrangère. Voilà les dix premiers résultats sur 9980 possibles :

2)   J’essaie de préciser du mieux que je peux ce que je cherche. Voilà les dix premiers résultats qui me sont proposés :

Je n’ai plus que 31 résultats. Je repère un tableau sur ce que l’Insee appelle les « descendants d’immigrés » par pays d’origine en 2018 dans les dix premiers résultats. Si je feuillette les dix résultats suivants, je trouve aussi les immigrés par pays de naissance en 2018. Dans les onze pages qui suivent, figurent des propositions de tableaux sur les étrangers et les immigrés à différentes dates. Sur les tableaux téléchargés, on ne trouve aucune référence à un service ou à une personne auxquels on pourrait s’adresser pour obtenir des précisions. Il en va de même avec les services statistiques des ministères qui font partie de la statistique publique française. Il m’est arrivé de chercher à joindre le responsable du Département des statistiques, des études et de la documentation (DSED) du ministère de l’Intérieur. On m’a donné son adresse électronique et l’on m’a conseillé de lui envoyer un mail, ce que j’ai fait le 4 septembre 2019. J’attends toujours la réponse.

En France, je ne suis évidemment plus qu’un individu lambda puisque j’ai quitté l’Ined en 2015, mais c’est encore plus vrai en Suède où personne ne me connaît. Il m’est pourtant plus facile de dialoguer avec Statistics Sweden qu’avec un responsable de la statistique française.

Il est manifeste que ceux qui pilotent la statistique publique française se fichent comme d’une guigne de l’accessibilité et de la lisibilité des données qu’ils produisent pour l’utilisateur lambda. Pourtant, le code de bonnes pratiques de la statistique européenne (en ligne : https://www.insee.fr/fr/information/4140105) indique bien que « l’accessibilité et la clarté » sont une des cinq exigences qu’un institut statistique doit avoir sur ses produits statistiques, exigences auxquelles a souscrit l’Insee. Le site de l’Insee est pourtant exemplaire du dédain porté au public, malgré l’affichage de grands principes. Il est bien possible que ce dédain ne soit pas limité à l’Insee.

Postscriptum : Ce matin, j'ai reçu de Statistics Sweden deux tableaux supplémentaires que j'avais demandé hier, par mail à 7h31 !

Ajout du 21 mai 2020 : J'ai reçu ce matin un mail de Statistics Sweden annonçant le calendrier de ses prochaines publications et contenant un lien avec son site qui publie le communiqué de presse du 7 mai sur le lancement d'une nouvelle application, dont la traduction automatique en français du titre donne ceci : Statistics Sweden lance une application municipale. Cette nouvelle application est dénommée "Les communes en chiffres" et est censée faciliter "plus que jamais l'accès aux chiffres et la comparaison des différentes communes". Grâce à la géolocalisation du téléphone portable, le curieux n'a même pas besoin de connaître le nom de l'endroit où il se trouve pour consulter les données. Parfait pour les vacances en voiture conclut le concepteur. On trouve en fin de communiqué le nom de l'attaché de presse de Statistics Sweden, son numéro de téléphone et son adresse mail et les mêmes informations sur le responsable Web de Statistic Sweden.

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