Démographe
LES RAVAGES DU MOUVEMENT “WOKE ” DANS LES ÉCOLES AMÉRICAINES
14 juin 2021
Keri D. Ingraham est Fellow au Discovery Institute et Directrice du Institute’s American Center for Transforming Education (https://www.discovery.org/p/ingraham/).
Dans un dossier intitulé “Education gone Wild”, The American Spectator vient de publier trois de ses textes sur l’implantation rapide des idéologies radicales du moment sur le genre, l’histoire et la race, à l’école, du primaire au lycée, parfois avant. Cette radicalisation touche les politiques scolaires, les méthodes et les programmes. Elle met en péril l’éducation des enfants et, au delà, la fabrique de la nation américaine.
LE GENRE
https://spectator.org/public-schools-gender-radical-reshaping/
Nombre d’écoles américaines ont adhéré à - et même promu pour certaines d’entre elles – l’idée que les enfants pouvaient, dès leur plus jeune âge, s’interroger sur leur genre.
Le test de la licorne
Des outils pédagogiques tels que Gender Unicorn, dont on trouve une version française sur le site https://unicorn.mrtino.eu/, interrogent les enfants et les aident à déterminer leur genre. Son usage est très répandu au Canada et il figure dans les outils éducatifs recommandés par l’Association for Supervision and Curriculum Development (ASCD) aux États-Unis.
Dans la version française « Fais ta licorne », les enfants sont invités à déplacer un curseur sur leur « identité de genre » (femme/fille, homme/garçon, autre genre(s)(sic)), leur « expression de genre » (féminine, masculine, autre), leur « sexe assigné à la naissance » (femelle, mâle, autre/intersexe), leur attirance sexuelle, proposée évidemment en écriture inclusive (physiquement attiré.e par des femmes, des hommes ou d’autre(s) genre(s) (sic)) et enfin leur attraction émotionnelle (mêmes items). Des enfants sont donc, parfois dès la maternelle, incités à se poser des questions qui ne sont guère de leur âge, sans que leurs parents en soient correctement informés. Dans l’Oregon, une mère, inquiète d’apprendre que son enfant en deuxième année de primaire ait dû subir un test de ce type, s’est vue répondre par le directeur de l’école que la société américaine avait failli historiquement sur la question du genre, que l’enseigner aux enfants était un progrès et que ce serait le cas tout au long de leur scolarité et dans toutes les matières.
La question des toilettes et des vestiaires
Les écoliers et étudiants de tous âges sont encouragés à choisir les toilettes de leur choix et de plus en plus de districts interdisent aux enseignants et autres employés d’y entrer pour prévenir des comportements qu’ils jugeraient inacceptables. Un garçon peut ainsi entrer dans les toilettes des filles, y rester le temps qui lui plaît et faire ce qui lui plaît sans craindre de voir débouler un adulte. Idem pour les vestiaires dans lesquels les écoliers et étudiants peuvent entrer sans tenir compte de leur sexe.
Les disciplines sportives
Les garçons qui se déclarent transgenres peuvent de plus en plus souvent jouer dans les équipes féminines, ce qui enlève aux filles toute chance de l’emporter dans la plupart des sports. Aux Etats-Unis, seuls douze États s’y sont opposés, neuf n’ont aucune politique sur le sujet, dix l’autorisent à condition que l’athlète ait subi un traitement médical. Mais dix-neuf États l’autorisent sans aucun contrôle sur le niveau de testostérone. Le journaliste de CNN, Devan Cole est allé jusqu’à déclarer qu’il est impossible de connaître l’identité de genre à la naissance et qu’aucun consensus n’existait sur le critère permettant d’assigner un sexe à la naissance. Déclaration qui contraignit CNN à faire marche arrière. Si l’Equity Act est voté, toutes les écoles seront obligées d’exécuter les désirs de ceux qui se déclareront transgenres. Ces derniers se verront ainsi attribuer des privilèges quasi-absolus. Les parents n’auront pas leur mot à dire.
Consentement des parents et dissimulation des écoles
Il n’est pas rare que des écoles camouflent aux parents leurs innovations en matière de genre. Un guide en la matière – Schools in Transition : A Guide for supporting Transgender Students in K-12 Schools - a été établi avec le concours de l’American Civil Liberties Union (ACLU), la Human Rights Campaign, Gender Spectrum, le National Center for Lesbian Rights, et la National Education Association (NEA). Il demande à ce que tout garçon qui se déclare une fille soit traité comme tel, sans considération de son âge et de sa maturité. On a donc quatre groupes d’activistes qui se sont accoquinés avec le plus important syndicat d’enseignants pour que ces enseignants incorporent leur idéologie dans leurs pratiques. Le guide leur demande de tenir à l’écart les familles qui y sont hostiles et de dissimuler la transition dans laquelle leur enfant est engagé en veillant à ne rien laisser transparaître dans les interactions avec les parents. Ce qui est contraire au 14ème amendement sur l’égale protection et aux droits des familles garantis par le Family Educational Rights and Privacy Act. Une résistance a commencé d’apparaître qui s’est concrétisée par des procès. D’autres sont à venir.
Dysphorie de genre
La journaliste Abigail Shrier s’est demandé pourquoi le nombre de transgenres avait tellement augmenté ses derniers temps (2 % des lycéens aujourd’hui, majoritairement des filles contre 0,01 % avant 2012, généralement des garçons). Lisa Littman, chercheur à Brown University sur la santé s’y est intéressée et a découvert que l’influence des pairs et des médias sociaux avaient joué un rôle majeur dans cette évolution. Dans certains États un adolescent mineur peut obtenir une prescription de bloqueurs de puberté ou de substitution hormonale, sans l’autorisation des parents.
La question des pronoms
Si l’on en croit le site Trans Student Educational Ressources (TSER), les pronoms ne seraient d’aucun genre et pourraient être utilisés comme chacun le désire. Mais les élèves sont incités à utiliser les pronoms du pluriel (they/them/theirs) ou des pronoms inventés tels que ze/zir/zirs. TSER ajoute qu’il existe un nombre infini de pronoms à inventer !
Comme l’écrit Keri D. Ingraham, compromettre le droit de la plupart des enfants qui sont à l’aise dans leur sexe de naissance pour créer la confusion sur l’identité de genre des autres, sans rien dire aux parents, n’est pas seulement inconstitutionnel. C’est une forme de maltraitance.
LE DÉSASTRE DANS L’ÉDUCATION CIVIQUE ET L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE
https://spectator.org/civics-history-public-schools-radical-reshaping/
Six anciens ministres de l’éducation, ayant servi sous des présidents démocrates ou républicains ont écrit un tribune dans le Wall Street Journal du 1er mars 2021[1] pour dire leur inquiétude sur ce qu’est devenu l’instruction civique et l’enseignement de l’histoire. Ils y voyaient la source de la polarisation politique qui s’est concrétisée ces derniers mois par des émeutes et l’intrusion au Capitole.
La disparition de l’instruction civique
La plupart des écoles américaines ne dispensent plus de cours d’instruction civique aujourd’hui et, dans 42 états sur 50, cette discipline n’est plus nécessaire à l’obtention d’un diplôme. Beaucoup d’Américains sont devenus ignorants sur la manière dont devrait fonctionner une démocratie et, l’an dernier, c’est la loi de la rue qui l’a emporté dans les plus grandes villes américaines. L’école n’a pas préparé les futurs citoyens à se faire une idée par eux-mêmes fondée sur une analyse des faits. Si la vie des Noirs compte évidemment, Black Lives Matter n’en est pas moins un mouvement d’inspiration marxiste, de l’aveu même de Patrisse Cullors, la co-fondatrice du mouvement. L’absence d’instruction civique rend les citoyens plus vulnérables aux philosophies et projets politiques radicaux et ainsi plus malléables politiquement.
Le projet 1619[2]
Le projet de Nikole Hannah-Jones publié dans le magazine du New York Times en août 2019 vise à refaire l’histoire de l’Amérique autour des conséquences de l’esclavage et de la contribution des Noirs. D’après l’historien de Princeton, Sean Wilentz, c’est un tissu de mensonges, de distorsions et d’omissions de taille. Le site du projet 1619 encourage les enseignants à s’emparer de son contenu en classe et met à disposition gratuitement des outils pédagogiques. Les écoles publiques de Chicago l’ont rapidement adopté officiellement dans leur programme. Trois États projettent de l’interdire (Arkansas, Iowa et Mississipi) mais l’administration Biden y est très favorable et a déclaré en faire une priorité. Cet abandon des faits pour l’endoctrinement a suscité un mouvement en faveur d’un projet dénommé 1776 Unites[3]. Ce projet ne nie pas l’existence de discriminations et la nécessité de les éliminer, mais autrement qu’en diabolisant et démoralisant le pays et en montant les Américains les uns contre les autres par une histoire falsifiée et des politiques identitaires.
Les syndicats d’enseignants
Les syndicats jouent un rôle important dans l’endoctrinement des écoles et notamment dans l’application du projet 1619. Ce fut aussi le cas lorsqu’il fut question de rouvrir les écoles pendant la pandémie. Ainsi, en juillet dernier, le Los Angeles Unified School District’s Teachers Union, fort de ses 35 000 membres, n’acceptait la réouverture des écoles qu’à la condition que les revendications suivantes soient satisfaites : moratoire sur les Charter schools, arrêt des financements à la police, accroissement des impôts pour les riches, application de Medicare-for-All et approbation par le Sénat et Donald Trump du HEROES-Act présenté par les Démocrates afin d’augmenter de 116 milliards de dollars les fonds que les États consacrent à l’éducation. Par ailleurs, l’American Fondation of Teachers (AFT), qui compte 1,7 million d’enseignants, a apporté son soutien au Green New Deal, y compris ses aspects les plus radicaux, laissant croire ainsi aux enfants que la vie sur terre court un danger immédiat.
LES WOKE ET LA RACE
https://spectator.org/critical-race-theory-woke-academics-radical-reshaping/
La loi et les institutions américaines seraient intrinsèquement racistes et leur seul but serait de maintenir le « privilège blanc ». Cette idéologie toxique s’est propagée dans les services fédéraux, jusqu’au FBI. Pour y mettre un terme, Donald Trump avait signé le 22 septembre 2020 un décret interdisant aux formations dispensées aux employés de l’État fédéral de recourir à des concepts semant la discorde (divisive concepts) sur la race et le sexe. Il fut complété par une lettre du Directeur de l’Office of Management and Budget de la Maison Blanche interdisant tout financement fédéral de formations recourant à la théorie critique de la race, au privilège blanc et à toute propagande antiaméricaine. Tout ceci fut balayé dès le premier jour de la Présidence Biden.
La théorie critique de la race dans la formation des enseignants
Ce sont les formations d’enseignants qui ont introduit la théorie critique de la race et l’éducation « woke » dans les salles de classe. Les blancs, professeurs ou élèves, sont supposés être racistes et on attend d’eux qu’ils confessent leur suprématie blanche. En août 2020, le district de Fairfax en Virginie organisa des formations promouvant la théorie critique de la race avec, notamment, l’intervention d’une heure du militant Ibram Kendi grassement payé (20 000 $). Le district en profita pour acheter ses livres pour 24 000 $. Kendi prétend que toute discrimination n’est pas fondamentalement raciste, sauf celle exercée par des blancs à l’égard des noirs. Il propose d’introduire un amendement constitutionnel qui interdirait toute disparité raciale sous la supervision d’un ministère de l’antiracisme. Le Senate Bill 5044 de l’Etat de Washington qui a été voté par le Sénat et la Chambre des représentants devrait rendre obligatoire la théorie critique de la race dans la formation des enseignants.
Inspiré par un “racism of low expectation” selon la formule d’Ayaan Hirsi Ali, cet endoctrinement des écoles, qui apprend aux enfants noirs qu’ils sont les victimes du racisme consubstantiel des blancs et qu’ils n’ont guère de prise sur leur propre destin revient, en réalité, à une discrimination à leur encontre. Si la grande majorité des États a plutôt tendance à consentir à l’introduction de la théorie critique de la race dans les formations d’enseignants, certains États ont réagi. C’est le cas de l’Idaho dont le gouverneur adjoint, Janice McGeachin, a annoncé la création d’une équipe spéciale chargée de repérer les lieux d’endoctrinement dans l’école publique et d’y remédier. C’est aussi le cas de la Floride dont le gouverneur, Ron DeSantis, a interdit la théorie critique de la race dans l’enseignement public. Sept autres États proposent de faire de même : le Tennessee, le Texas, la Georgie, l’Arkansas, le South Dakota, l’Arizona et la Caroline du Nord.
L’endoctrinement des élèves au détriment de leur scolarité
Les enseignants “woke” n’hésitent pas à s’écarter des programmes officiels. Ce fut le cas en janvier des écoles publiques de Seattle. Les enseignants ont reçu par mail des documents justifiant les émeutes qui blessèrent 60 policiers en un seul week-end de juillet 2020 et visant à obtenir le soutien des élèves au mouvement “abolish the police”. Mia Cathell, étudiante en journalisme à Boston, raconte qu’en 2020, dans une école publique de Philadelphie, des élèves de niveau CM2 ont été invités à célébrer le « communisme noir » et enrôlés dans la simulation d’une manifestation demandant la libération d’Angela Davis (arrêtée en 1970 car accusée d’avoir participé à une prise d’otages qui se termina notamment par le meurtre d’un juge). Les enfants portaient des pancartes où l’on pouvait lire “Black Power”, « Trump en prison », « libérez Angela »[4]. Ce militantisme laisse peu de place aux apprentissages. D’après le ministère de l’éducation de New York, dans les écoles publiques du district de Buffalo, où sévit un militantisme radical, les enfants de CM2 maîtrisent très mal l’anglais et les maths.
Shakespeare, Hemingway et Dickens censés promouvoir le « privilège blanc » sont remplacés par des “Latinx books”[5], “black books”, “LGBTQ+ books”, par exemple The Hate U Give inspiré du mouvement Black Lives Matter.
La rébellion plus ou moins feutrée de parents et d’enseignants
Certains enseignants et parents se plaignent sous couvert d’anonymat. Ainsi, face à l’évolution de l’enseignement délivré dans la prestigieuse mais onéreuse école Dalton dans Upper East Side New York, un groupe de parents a écrit une lettre ouverte anonyme dénonçant l’obsession de la race, de la suprématie blanche et de l’identité dans les cours, dont ils ont pris conscience pendant le confinement[6]. Le manifeste antiraciste de l’école diffusé en décembre 2020 n’avait rien fait pour rassurer des parents inquiets. Y étaient recommandés par exemple le recrutement de 12 responsables de la diversité, une refonte des programmes mettant l’accent sur la justice sociale et l’élimination, en 2023, des cours de haut niveau si les résultats des élèves noirs n’atteignaient pas alors ceux des élèves blancs[7]. Nicole Niely, elle ne se cache pas. Elle a fondé une association – Parents Defending Education – dont la mission est de révéler les situations d’endoctrinement et d’aider les parents à s’engager pour y faire face[8].
L’enseignement des mathématiques est lui aussi touché
Les fondements des maths ne sortent pas indemnes de cet assaut militant sur l’école. On trouve aussi des « woke » chez les professeurs de maths. C’est le cas de Laurie Rubel du Brooklyn College qui trouve que 2+2=4 « pue le suprématisme blanc ». Le département de l’éducation de l’Oregon a commencé de former les enseignants aux « ethno-mathématiques » à partir d’un manuel prônant la « déconstruction du racisme en mathématiques » et « le démantèlement de la suprématie blanche ». Celle-ci s’exprimerait en classe lorsque le but des exercices est de trouver la bonne réponse et lorsque le professeur exige des élèves qu’ils lui montrent leur travail. Tout ça pour pénaliser les élèves de couleur.
La journaliste Denyse O’Leary y voit un abandon des enfants les plus désavantagés qui dépendent de l’école publique pour maîtriser la langue et apprendre à compter. La théorie critique de la race, en relativisant le savoir, sape la valeur accordée par la société à l’acquisition de compétences. Elle ruine ainsi l’avenir des enfants les plus démunis mais compromet aussi la société américaine et son avenir scientifique et technique.
En effet, comme l’écrit Keri D. Ingraham qu’adviendrait-il des avions et des ponts s’ils étaient construits en utilisant des maths dont les réponses aux questions seraient subjectives ? Elle incite vivement ses concitoyens à faire preuve de courage et à s’organiser pour renverser la tendance « woke » et à riposter vigoureusement[9]. Elle propose que le financement de l’éducation vise les élèves plutôt que les écoles, donnant ainsi aux parents la possibilité de choisir l’éducation qu’ils veulent voir délivrer à leurs enfants.
[2]Année du débarquement des premiers Africains en Virginie.
[3] Reprend la date de la déclaration d'Indépendance.
[5] x est censé faire l’économie du choix entre le masculin (o) et le féminin (a).
[6] https://nypost.com/2021/01/30/dalton-school-parents-fight-anti-racism-agenda-in-open-letter/.
[7] https://nypost.com/2020/12/19/faculty-at-nycs-dalton-school-issues-8-page-anti-racism-manifesto/.
[8] Le slogan d’accueil sur le site est: Empower. Expose. Engage. https://defendinged.org.
[9] Ce qu’ont fait les parents du Douglas County dans le Colorado lorsqu’on a voulu leur imposer une politique de l’équité. https://www.frontpagemag.com/fpm/2021/06/how-unwoke-your-school-board-joy-overbeck/.
BUFFLIER Philippe
22.06.2021 07:23
Et sans surprise, on peut remarquer que la France d'aujourd'hui a emboîté le pas à tout ça.
Derniers commentaires
28.11 | 10:40
À mon avis à la Doc de l'Ined sur le campus Condorcet ou à la BNF
27.11 | 23:14
Cette période de baisse étant due à la crise de 1929 (avec des effets sur l'emploi à partir de 1932) et à la 2e guerre mondiale.
27.11 | 23:13
Selon l'INSEE, la part des immigrés et des enfants d'immigrés augmente en France depuis 1911 (2,7%) jusqu'en 2021 (10,6%).
La seule période de baisse a été de 1931 à 1946.
27.11 | 22:57
Bonsoir
Où peut-on lire l'étude sur Crulai?