Démographe
Les Américains ont peur d’exprimer leurs opinions
24 juillet 2020
Dans l’atmosphère politique empoisonnée d’aujourd’hui, les Américains, surtout s’ils sont conservateurs, n’osent pas trop dire ce qu’ils pensent.
Le Think Tank Cato Institute[1] vient de publier les résultats d’un sondage en ligne réalisé à son intention par Yougov sur la liberté d’exprimer ses opinions aux États-Unis. Ce sondage a été réalisé auprès de 2108 Américains âgés de 18 ans ou plus entre le 1er et le 6 juillet 2020, donc dans un contexte bien particulier après le meurtre de George Floyd par un policier.
62 % des Américains répondent positivement à la question : le climat politique aujourd’hui m’empêche de dire des choses auxquelles je crois parce que d’autres peuvent les trouver choquantes (offensive) ? Cette réticence à dire ce que l’on pense est partagée largement par l’ensemble du spectre politique, mais plus répandue encore chez les Républicains, qu’ils se déclarent plus ou moins conservateurs. À gauche, une majorité de ceux qui se qualifient de « très libéraux[2]» ne voient pas d’obstacle à leur libre expression. Le camp démocrate est donc plus divisé que le camp républicain sur le sujet, même si l’auto-censure a progressé depuis 2017 chez les libéraux, et notamment sur son flanc le plus à gauche. Elle s’est accrue aussi chez les modérés et les conservateurs centristes (tableau ci-dessous).
L’autocensure ne dépend guère du niveau de diplôme mais s’accroît avec l’âge : 55 % des 18-29 ans disent s’auto-censurer contre 67 % des 65 ans+. Elle est plus répandue chez les Blancs, les Asiatiques et les Latinos (autour de 65 %) que chez les Noirs (49 %).
Si près d’un tiers des Américains craignent pour leur emploi ou leur parcours professionnel au cas où leurs opinions politiques viendraient à être connues, ces craintes s’accentuent avec le niveau de diplôme. Mais c’est surtout vrai des Républicains. 60 % des plus diplômés d’entre eux redoutent que leurs opinions politiques, s’ils les révélaient, leur fasse perdre leur emploi ou rater des opportunités professionnelles, contre 27 % des moins diplômés (graphique ci-dessous). Les jeunes s’en inquiètent plus que les vieux - 44 % chez les 18-29 ans contre 27 % chez les 55-64 ans - et Les Asiatiques (43 %) et Latinos (38 %) plus que les Blancs (31 %) et les Noirs (22 %).
Deux questions, posées chacune à une moitié de l’échantillon, permet d’évaluer la légitimité des idées défendues par les deux candidats à la présidentielle dans l’opinion américaine :
Seriez-vous favorable ou opposé au licenciement d'un dirigeant d'entreprise si l'on apprenait qu'il a donné, à titre privé, de l'argent pour financer la campagne de Joe Biden/Donald Trump ?
Sans surprise, les Américains se disent plus enclins à sanctionner les dirigeants d’entreprise qui participeraient à la campagne de Donald Trump que ceux qui soutiendraient financièrement celle de Joe Biden (respectivement 31 % contre 22 %). Ce deux poids deux mesures provient surtout de l’hostilité plus marquée des Démocrates à l’égard de Donald Trump et moins de celle des Républicains à l’égard de Joe Biden. Ainsi, 50 % des très libéraux sont favorables à une sanction des soutiens de Donald Trump quand ce n’est le cas que de 36 % des très conservateurs à l’égard des soutiens de Joe Biden (graphique ci-dessous).
Pourcentage d'Américains qui répondent favorablement à la question suivante, selon leur positionnement idéologique : Seriez-vous favorable ou opposé au licenciement d'un dirigeant d'entreprise si l'on apprenait qu'il a donné, à titre privé, de l'argent pour financer la campagne de Joe Biden/Donald Trump ? Source : Cato Institute, 2020.
Cette moins grande légitimité de Donald Trump touche toutes les catégories ethnoraciales, tout particulièrement les Asiatiques et les Latinos, mais beaucoup moins les Noirs qui ont presque les mêmes exigences à l’égard des soutiens de Joe Biden (graphique ci-dessous).
Pourcentage d'Américains qui répondent favorablement à la question suivante, selon la catégorie ethnoraciale : Seriez-vous favorable ou opposé au licenciement d'un dirigeant d'entreprise si l'on apprenait qu'il a donné, à titre privé, de l'argent pour financer la campagne de Joe Biden/Donald Trump ? Source : Cato Institute, 2020.
La moindre exigence à l’égard de Joe Biden touche surtout les plus jeunes, ceux qui ont moins de 55 ans et tout particulièrement les 18-29 ans dont 44 % sont favorables à ce que soient sanctionnés les dirigeants d’entreprise qui soutiendraient financièrement, à titre privé, la campagne de Donald Trump, contre 27 % pour ceux qui feraient la même chose à l’égard de Joe Biden.
Pourcentage d'Américains qui répondent favorablement à la question suivante, selon le groupe d'âge : Seriez-vous favorable ou opposé au licenciement d'un dirigeant d'entreprise si l'on apprenait qu'il a donné, à titre privé, de l'argent pour financer la campagne de Joe Biden/Donald Trump ? Source : Cato Institute, 2020.
[1] Rien à voir avec le catholicisme.
[2] Au sens américain.
Derniers commentaires
28.11 | 10:40
À mon avis à la Doc de l'Ined sur le campus Condorcet ou à la BNF
27.11 | 23:14
Cette période de baisse étant due à la crise de 1929 (avec des effets sur l'emploi à partir de 1932) et à la 2e guerre mondiale.
27.11 | 23:13
Selon l'INSEE, la part des immigrés et des enfants d'immigrés augmente en France depuis 1911 (2,7%) jusqu'en 2021 (10,6%).
La seule période de baisse a été de 1931 à 1946.
27.11 | 22:57
Bonsoir
Où peut-on lire l'étude sur Crulai?